
Résumé
Au pied du Mont-d’Or, à Rochejean, petit village de 800 habitants, existe une ferme au nom évocateur : la Batailleuse. Si ce nom vient du terrain où elle a été construite, il reflète aussi l’esprit qui y règne. Dans les années 1980, une bande de jeunes ouvrier·es ou établi·es s’y installe et développe au sein d’une association d’éducation populaire, le Claj (Club de loisirs et d’action de la jeunesse), une activité d’élevage et un centre d’accueil, le Souleret. C’est aussi cette histoire du mouvement Claj, de « l’accueil pour tous », de l’accès populaire aux loisirs et aux vacances qui est racontée ici. Pensé d’abord comme un lieu d’engagement politique, en lien avec les luttes ouvrières et les enjeux internationaux, l’association, après moult péripéties racontées dans ce livre, a perduré dans une démarche fidèle aux valeurs de départ mais également sensible aux questions écologiques et de développement local. Bataillant pour faire vivre dans une osmose tout à fait originale et quasi-unique une ferme productive et un centre d’accueil (classes vertes, colos, familles), l’équipe salariée s’organise en autogestion avec l’appui de nombreux et nombreuses bénévoles qui ont contribué à faire de la Batailleuse une référence en matière de pédagogie, d’agriculture et d’autogestion.
Ce livre fait partie de la collection de témoignages vécus que les éditions REPAS proposent sous le titre « Pratiques utopiques ». Il a été écrit par deux personnes qui ont participé à cette histoire au cours des dix dernières années et qui ont, pour cela, interrogé des « ancien·nes » et exhumé des archives.
Les auteur·ices
"Nous n’étions même pas né·es lorsqu’une formidable équipe est arrivée à Rochejean dans les années 1980. Bien des années plus tard, en mars 2009, Milena découvre la Batailleuse. La voilà parti pour trois mois d’animation. Puis, elle fait des saisons en animation, en fromagerie et en cuisine. Elle n’a pas signé de CDI mais elle est embarquée au conseil d’administration depuis 2017. Matthieu découvre le CLAJ en 2013 en rendant visite à un ami fromager. Il fait un peu de bénévolat en 2014. Il commence à être salarié en février 2015 comme cuisinier-gestionnaire du Souleret et fromager remplaçant. Il apprend mille choses et exerce une dizaine de métiers au sein du CLAJ. À l’automne 2023, il quitte l’équipe salariée mais reste bénévole."
Extraits
Pendant plus de deux ans, des équipes se relaient pour rénover ce chalet. Les journées sont partagées entre des temps de construction et des temps de discussion sur des grands thèmes de la société. Pour les militant·es des CLAJ, l’apprentissage « du faire main » et l’organisation collective ne va pas sans s’élever intellectuellement. Rénover le chalet du jura est un objectif en lui-même et un outil de formation culturelle ouvrière.
La gratuité de notre travail est totale. Nous n’acceptons aucune rémunération, payant même notre nourriture, selon un barème établi d’après les salaires de chacun d’entre nous. […] En travaillant de cette façon, nous mettons en avant le principe du travail bénévole collectif, le principe de l’investissement humain à la place de l’investissement argent. (Un chalet réalisé par les travailleurs eux-mêmes, Club de Loisirs et d'Action de la Jeunesse – Spécial-jeunesse N°26 – 1973, p261.)
Cette dynamique a l’ambition de changer la société capitaliste et de reprendre en main ses loisirs. Elle s’inscrit pleinement dans une époque où les "Lip" de Besançon et les paysan·nes du Larzac se mobilisent pour garder et devenir maître de leur outil de travail. Les CLAJ s’intègrent dans ces mouvements, participent à des assemblées de soutien au Larzac et réfléchissent à l’unité entre ouvrier·ères et paysan·nes.
"L’activité agricole démarre de façon très modeste. Jusqu’à la reconstruction en 1987 qui nous fera complètement changer d’échelle, la ferme est toute petite. Au plus fort, il y a 10 vaches,15 chèvres, 2 cochons et des volailles dans une ambiance d’arche de Noé, mais elle a la prétention d’être une ferme, pas un zoo, et Kako affiche fièrement dans l’écurie des courbes de production laitière. Kako a appris à traire chez Gaby du Jura. Pour le reste, nous n’y connaissons pas grand-chose. Il y a une place à fumier mais nous ne savons pas qu’il faudrait une fosse à lisier dessous. Résultat : des sombres nappes de lisier s’étalent derrière le bâtiment, et en été les jeunes d’une colo sont embauchés pour creuser des canaux d’évacuations."
Manu
La ferme et les animaux constituent un outil éducatif sensationnel. La Batailleuse et le Souleret sont des fenêtres ouvertes sur le monde, des lieux d’échanges et de rencontres à partir de l’expérience pratique, concrète, de la création d’une ferme par une équipe de jeune. En 1988, c’est novateur d’avoir une ferme pédagogique avec de vrais troupeaux et de vrais paysan·nes où l’on apprend en faisant.